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Jeannette avait déjà plusieurs enfants, dont le plus âgé touchait à sa huitième année. Ces petits enfants, voyant manger le comte, se mirent autour de lui, et lui firent mille caresses, comme si la nature leur eût fait sentir que ce bonhomme était leur grand-père. Le comte, les reconnaissant pour ses neveux, leur fit beaucoup d’amitié et loua leur gentillesse, ce qui fit que ces enfants ne voulaient point le quitter, quoique le gouverneur les appelât. La mère vint elle-même, et les menaça de les battre, s’ils n’obéissaient à leur maître. Les enfants commencèrent à pleurer, en disant qu’ils demeureraient auprès de ce bon vieillard, qui leur plaisait plus que leur gouverneur. Ces paroles firent éclater de rire la dame. L’infortuné comte ne put s’empêcher d’en rire aussi. Il s’était levé pour saluer Jeannette, non comme sa fille, mais comme la dame et la maîtresse du logis. Il la regardait avec un plaisir extrême ; mais il n’en fut point reconnu, parce qu’il était tout à fait changé, étant devenu vieux, maigre, noir et barbu. La mère, voyant l’empressement de ses enfants pour cet homme, dit à leur gouverneur de les laisser encore quelque temps avec lui, puisqu’ils pleuraient de ce qu’on voulait les en éloigner. À peine fut-elle sortie, que son mari entra. Ayant appris du gouverneur ce qui venait de se passer, et faisant peu de cas de la naissance de sa femme : «