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la vie doivent, en grande partie, servir d’excuse à la femme qui en jouit, lorsqu’elle se livre aux penchants de l’amour ; elle est surtout excusable, et même justifiée, si l’objet qu’elle aime est un homme sage et vertueux. Ces raisons et plusieurs autres, entre lesquelles je compte ma grande jeunesse et l’éloignement de mon mari, m’ont rendue amoureuse de vous, et portent avec elle ma justification. Il me sied mal, sans doute, de vous faire un semblable aveu ; mais un amour aussi violent que le mien se met au-dessus des bienséances ; les personnes de mon rang seraient martyres toute leur vie, si elles suivaient l’usage ordinaire. Je ne crains pas de vous l’avouer, mon cher ami, dans les ennuis que me cause l’absence de mon mari, ce petit dieu qui a soumis et soumet encore tous les jours, non-seulement les femmes faibles, mais les hommes les plus forts et les plus courageux, ce dieu, dis-je, a blessé mon cœur d’un trait enflammé, et y a allumé la passion la plus tendre et la plus vive pour vous. Je sais que, si elle paraissait à découvert, elle serait condamnable ; mais cachée sous les voiles du mystère, elle ne peut avoir rien de criminel. Votre figure, vos agréments, votre mérite, sont plus que suffisants pour l’excuser. Non, quelque passionnée que je sois, je ne me suis pas aveuglée sur le choix que j’ai fait. Vous êtes, aux yeux de tous ceux qui vous connaissent, le plus aimable, le