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tous les secours possibles. Le prince nouvellement élu, assuré par plusieurs témoignages incontestables de la vérité du fait, assemble promptement, par le secours de ses parents et de ses alliés, une armée nombreuse et puissante, et se dispose à marcher vers Athènes. À la première nouvelle de ces mouvements, le duc songe à se mettre en état de défense, et demande des secours à plusieurs princes. L’empereur d’Orient, qui lui avait donné une de ses sœurs en mariage, lui envoya son fils Constantin et son neveu Emmanuel, avec un corps considérable de troupes. Si le duc fut bien aise d’un pareil secours, la duchesse sa femme le fut encore plus, puisqu’elle allait avoir l’occasion de revoir son frère qu’elle aimait tendrement.

Pendant qu’on s’occupait des préparatifs de la guerre, et qu’on disposait les troupes pour l’ouverture de la campagne, la duchesse profita d’un moment favorable pour entretenir son frère et son neveu sans témoins. Elle les fit venir dans son appartement, et, les larmes aux yeux, elle leur raconta la vraie cause de cette guerre, et leur fit sentir l’outrage que son mari lui faisait, par son commerce criminel avec une étrangère qu’il croyait posséder sans qu’elle en sût rien. Elle se plaignit amèrement de cette conduite si mortifiante pour son amour-propre, et les pria d’y remédier, autant pour l’honneur du duc que pour sa propre consolation.

Les deux jeunes seigneurs, depuis longtemps au fait de toute l’histoire, consolèrent la duchesse de leur mieux, et lui firent espérer une prompte satisfaction. Ils lui demandèrent le logement de l’étrangère, et se retirèrent dès qu’ils en furent instruits.

Ils avaient souvent entendu parler de la beauté de cette Hélène. Ayant une envie démesurée de la voir, ils prièrent en grâce le duc de leur procurer cette satisfaction. Le duc, sans songer ce qu’il en avait coûté au prince de la Morée de la lui avoir montrée, promit de la leur faire voir. Il fit en conséquence préparer un superbe dîner, dans un très-beau jardin du château qui recélait la belle, et les y mena le lendemain avec une petite suite.

Il arriva à Constantin ce qui était arrivé au duc lui-même. À peine fut-il assis et eut-il jeté les regards sur Alaciel, qu’il fut émerveillé de sa beauté. Il ne se lassait point de l’admirer, et disait en lui-même qu’une créature si charmante, si parfaite, portait avec elle de quoi faire excuser les trahisons qu’on s’était permises et qu’on pouvait se permettre pour la posséder. En un mot, il la regarda, l’examina et l’admira tant, qu’il n’eut besoin que de cette première entrevue pour se sentir dévoré des feux de l’amour. Ils prirent si fort racine dans son cœur, que, bannissant de son esprit les affaires de la guerre, il rêvait continuellement aux moyens d’enlever Alaciel, sans cependant donner à connaître à personne qu’il en fût amoureux. Tandis qu’il cherche et qu’il arrange dans sa tête la manière dont il s’y prendra pour réussir dans son projet, vint le