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je puis dire que c’est une faute inséparablement attachée à la jeunesse, et dont il n’est pas possible de se garantir, tant que cet âge dure. Si les vieillards voulaient se souvenir qu’ils ont été jeunes, et mesurer les fautes d’autrui sur les leurs, et les leurs sur les fautes d’autrui, la mienne certainement ne leur paraîtrait pas si grande. Ils conviendraient alors qu’elle prend sa source plutôt dans un grand fond d’estime et d’affection que dans un fond de mépris et de noirceur. Depuis le premier jour que j’ai vu madame l’Épine, l’union que vous m’offrez aujourd’hui n’a pas cessé de faire l’objet de mon ambition, et il y a longtemps que je vous en aurais fait moi-même la proposition, si je n’avais craint de vous déplaire et d’être refusé. Mais si, par hasard, vos discours n’étaient qu’une raillerie, si votre cœur dément ce que m’annonce votre bouche, finissez, de grâce, ce cruel badinage, et cessez de me flatter d’une vaine espérance. Je suis prêt à rentrer dans ma prison et à souffrir patiemment les maux qui me sont réservés ; mais, quelque tourment que vous me fassiez essuyer, je vous déclare que je ne cesserai point d’aimer madame votre fille, ni d’avoir pour vous, à sa considération, tout le respect, toute la soumission que vous pouvez désirer. »

Ces paroles, prononcées d’un ton noble et décidé, frappèrent d’aise et d’étonnement le seigneur Conrad. Il vit alors par lui-même que ce jeune homme avait de l’âme et des sentiments, et que son amour pour sa fille était vraiment sincère. Il se leva aussitôt pour l’embrasser ; et après lui avoir donné plusieurs