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peine de cœur, auprès de grand’mère, après que son père lui eut défendu de penser à un jeune homme bien fait, mais pauvre. Ce fut elle qui vint à bout, selon l’expression dont il se servait lui-même, de lui remmancher la tête sur son droit sens. Et lorsque, plusieurs années après avoir fait cette opposition, il reconnut encore que sa fille était toujours heureuse, et la meûnerie, florissante par les travaux et les efforts d’un gendre qui l’aimait et le respectait, il aimait à redire : « Oui, grand’mère avait bien raison. Le bon Dieu marche, avec une bourse pleine, derrière le pauvre, dans la maison où il entre. » Et grand’mère aimait les enfants de ces jeunes femmes, comme s’ils eussent été ses propres petits-fils : au reste, ils ne la nommaient pas autrement que grand’mère. Quand, après deux ans d’absence, la princesse fut de retour dans sa terre, elle manda tout aussitôt grand’mère, et lui montra, avec larmes, un beau petit garçon, souvenir que la comtesse, morte un an après son mariage, avait laissé à la princesse et à son jeune époux affligés. Et tenant l’enfant dans ses bras, grand’mère laissa tomber des larmes sur la couverture de soie qui l’enveloppait ; elle était toute au souvenir de cette jeune mère, aussi bonne qu’elle était belle. Puis, en le remettant aux bras de la princesse, elle dit de sa douce voix : « Ne la pleurons pas, souhaitons lui le Ciel ; le monde n’était pas pour elle ; et c’est pourquoi Dieu l’a appelé à lui. Celui-là est proprement aimé du bon Dieu, qu’il rappelle près de lui, et là où il est le plus heureux. Puis, madame la princesse n’est pourtant pas restée seule ! »