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tait avec une sainte patience cette mauvaise humeur de sa mère ; humeur qu’elle n’attribuait qu’à sa maladie longue et incurable.

Bientôt on se mit à dresser et à garnir les tables ; la cuisinière et l’aide de cuisine allaient et venaient sans cesse, se multipliant partout. Celle qui était en chef, pour la gouverne générale, était la jeune femme de Thomas. Elle s’était prêtée à prendre ce soin, avec la même complaisance qu’avait déployée la femme du meûnier, à la soirée des bouquets et des couronnes.

À leur retour de l’église, les conviés furent reçus par le maître du logis qui les saluait, le verre à la main, sous le petit vestibule de la porte d’entrée. La fiancée alla changer de toilette, puis l’on se mit à table. Au haut bout de la table étaient assis les fiancés ; le garçon d’honneur avait soin des filles d’honneur, qui reconnaissaient ses attentions en mettant les meilleurs morceaux sur leurs assiettes pour les lui présenter. Le bavard lui fit aussi le reproche d’être ainsi traité « comme le bon Dieu dans le paradis. » Grand’mère était aussi en pleine gaité et répondit par plus d’un bon mot, et fort spirituellement, au bavard dont les oreilles et la langue étaient partout, qui se mêlait à tout, et qui, avec sa grande taille et sa forte carrure, pouvait tout atteindre ou heurter.

Dans la maison des Proschek, grand’mère n’eut, certes, pas permis qu’un seul grain de pois eût été jeté à terre ; et pourtant, quand les conviés eurent commencé à se jeter entre eux des pois et des grains de froment, elle en prit elle-même une poignée qu’elle