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« Après que ses petits-enfants, quelques années plus tard, eurent quitté la maison paternelle, elle se plaisait à redire : « Non ! ce n’est pas l’habitude, parmi les gens de notre condition, de se faire peindre ; ce n’est pourtant pas inutile. Je me souviens encore très-bien de ce visage-là ; mais avec l’âge, la mémoire s’affaiblit, et les traits s’effacent de la pensée. Puis, je ressens tant de plaisir à considérer ce tableau ! »

On transportait alors, dans les granges du château, les dernières petites meules de quinze gerbes de froment. Comme on savait que la princesse n’avait pas l’intention de rester longtemps encore dans sa terre ; mais qu’elle avait hâte de partir, avec la comtesse, pour l’Italie, monsieur l’administrateur avait fixé la fête des moissonneurs pour la fin de la récolte des froments. Christine, qui était bien la plus jolie fille de tous les pays d’alentour, n’en était pas moins toute sage ; et grand’mère avait bien deviné le choix qui serait fait d’elle, pour présenter la couronne de la fête à madame la princesse.

Derrière la cour, il y avait un grand espace couvert en partie de gazon, et en partie de hautes meules de paille. Au milieu, les garçons avaient dressé une haute perche, ou plutôt un mât orné de branches de sapin, de rubans, de fichus et de foulards rouges, flottant au vent en guise de petits drapeaux. Entre les ramilles de sapin brillait toute la variété des fleurs champêtres, entremêlées d’épis de blé ! Autour des meules, on avait établi des bancs, et improvisé des tonnelles avec des branches de sapin. Autour du mât enguirlandé, on avait battu le sol en façon d’aire pour la danse.