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çait cette couronne de fleurettes rouges, comme un bandeau d’amour. On ne lui voyait plus autour de la bouche ce trait féroce qui avait détruit toute la beauté de son visage ; mais autour de ses lèvres se devinait encore sa dernière pensée, comme si l’effroi venait de l’y faire expirer… et c’était un sourire amer.

« Qu’est-ce qui t’a ainsi endolori, ô toi, pauvre cœur ? qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? » se disait tout bas grand’mère en elle-même.

« Personne ne peut t’indemniser de ce que tu as souffert. Celui qui est le coupable, Dieu le jugera ! Mais toi, tu es dans la lumière et dans la paix. »

« La femme du forgeron voulait qu’on ne lui mît que des copeaux de bois sous la tête ; mais mon mari lui a mis de la mousse ; je n’ai plus qu’une crainte : c’est que le monde, et aussi ses parents, ne nous accusent de l’avoir soustraite à leurs soins et de lui avoir fait faire des funérailles par trop simples. Et en disant cela, la femme du chasseur laissait bien voir du souci.

« De quoi servirait de l’avoir déposée dans un bière couverte de peintures ? Ne vous faites pas de ces vains soucis, ma chère dame, et laissez causer les gens. Maintenant qu’elle est morte, ils la voudraient peut-être envelopper dans du brocart d’or ; et tant qu’elle a vécu, ils ne lui ont pas seulement fait la question : « Femme, qu’est-ce que tu as ? » Vous n’avez qu’à lui laisser son coussin vert, elle n’en a pas eu d’autre depuis quinze ans. » Grand’mère dit ; et prenant le petit aspersoir, elle aspergea trois fois d’eau bénite le corps de Victoire de la tête aux pieds,