Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 321 —

il hocha la tête en disant : « Moi faire dire quelque chose, à qui ? saluer qui donc ? Je ne connais personne. Il se retourna de moi se couvrit le visage de ses mains et resta quelques minutes absorbé dans ses pensées. Puis il se leva subitement et se plaçant devant moi, les bras croisés. Feriez-vous bien, me dit-il ce que j’ai à vous demander ? » Oui ! lui répondis-je, c’est avec grand plaisir que je le ferais et je lui tendis la main. À ce moment son visage prit une expression de si poignante douleur que j’eusse tout fait pour l’obliger. Sa figure avait perdu tout ce qu’elle avait eu jusqu’alors de repoussant ; et ne pouvait éveiller en autrui d’autre sentiment que celui de la compassion jointe à l’intérêt. Il faut qu’il ait alors lu bien avant dans mon cœur, car il me prit la main, la pressa et me dit d’un ton ému. Si, il y a trois ans, vous m’eussiez ainsi tendu la main je ne serais pas ici. Mais pourquoi n’ai-je pas rencontré que des gens qui m’ont foulé dans la poussière ; qui se moquaient de ma laideur et qui m’abreuvaient d’absinthe et de poison ? Ma mère ne m’aimait pas ; mon frère m’a repoussé ; ma sœur a rougi de moi, et celle dont je croyais être aimé, et pour laquelle j’avais hasardé ma vie ; celle dont un seul aimable sourire m’eut paru préférable à la jouissance du ciel ; celle pour l’amour de laquelle j’ai regretté de n’avoir pas dix vies pour les lui sacrifier toutes ; eh bien ! celle-là même ne faisait que se railler de moi ; et quand je voulus savoir d’elle, ce que tout le monde disait de moi, elle me fit chasser de sa porte par son chien. » Puis cet homme à l’air si farouche pleura