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« Papa ve veut jamais tirer sur une chevrette, » s’empressa de dire Orlik.

« Tu as dit la vérité, mon enfant. Toutes les fois que je vise, j’ai sous les yeux la chevrette blessée et son regard suppliant ; je crains de la manquer et je préfère la laisser courir.

« Vous ne devriez tuer que les méchantes bêtes, et laisser en repos les bonnes, dont la mort fait de la peine, » dit le petit Guillaume, qui avait les yeux remplis des larmes.

« C’est que nul animal n’est si bon qu’il ne soit aussi méchant ; de même qu’il n’en est pas de si méchant qu’il ne soit encore bon. Et il en va ainsi des hommes mêmes. C’est une erreur de penser que l’animal à face douce et pacifique, doive être bon aussi de nature ; et quel animal dont la figure ne nous revient pas doive conséquemment être méchant. Le visage est parfois trompeur dans le monde. Il arrive assez souvent qu’on se console plus facilement de ce qui déplaît ; tandis qu’au contraire on n’est pas sans regret de la beauté qui a plu ; en sorte qu’on devient injuste à l’égard de ce qui a déplu. Je me suis trouvé une fois à Königgraetz avant l’exécution de deux meurtriers. L’un des deux était un bel homme, l’autre était laid, impoli, sauvage. Le premier avait tué son camarade, parce qu’il le soupçonnait d’avoir séduit sa fiancée. L’autre appartenait à une famille de notre pays ; j’allai le voir après son jugement, pour lui demander dans sa prison s’il n’avait pas à faire dire quelque chose au pays, auquel cas je m’en chargerais avec plaisir. Il me regarda en éclatant d’un rire sauvage ; puis