Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 318 —

elles soupiraient avec moi, et qu’elles voulussent me parler de douleurs semblables. » Beyer se tut : ses grands yeux étaient tournés vers la lumière, posée sur la table ; des légers nuages de fumée s’échappèrent de sa bouche vers le plafond de la chambre, et accompagnées, pour ainsi dire, de ses pensées.

« C’est bien vrai : on croirait qu’il y a de la vie dans les arbres. » dit le chasseur de Riesenburg. « Je le sais d’expérience. Une fois — il y a de ceci, déjà plusieurs années — je marquai des arbres pour l’abattage. Le garde de la vente de bois ne put pas venir, je fus donc obligé d’aller présider à l’abattage. Les bûcherons arrivent et se préparent à coucher par terre, d’abord un très beau bouleau. Il était sans défaut et se tenait droit comme une jeune fille. Je le regarde, et alors il me semble — riez, si vous voulez ; — mais, oui, il me sembla que le bouleau se courbait jusqu’à mes pieds ; qu’il m’embrassait avec ses branches, et qu’à l’oreille de mon âme retentissaient ces paroles : Pourquoi veux-tu que je meure si jeune encore ? « Qu’est-ce donc que je t’ai fait ? Au même instant le tranchant des dents de la scie grinçant dans l’écorce, pénétra dans le corps du bouleau. Je ne sais plus bien si j’ai poussé un cri ; mais ce que je sais bien, c’est que j’ai voulu défendre aux ouvriers de bois de poursuivre leur travail ; mais comme ils me regardaient avec étonnement, j’eus honte de moi même et je me réfugiai dans l’épaisseur du bois, pour laisser continuer leur travail. J’errai toute une heure, et toujours poursuivi de cette pensée, qu’il me suppliait de ne