passé, venait la débâcle, il était arrivé souvent que les glaçons s’étaient amoncelés à la digue, et qu’alors le torrent de la rivière passant dans la rigole inondait tous les bâtiments. C’est pourquoi on était toujours en crainte, quand la glace commençait à se gercer ; mais alors des garçons du moulin étaient toujours de garde à l’effet d’éloigner le danger en séparant sans cesse les amas de glaçons qui tendaient à se fermer. Mais, cette fois, devant l’inondation qui venait des eaux descendant de la montagne, pas moyen de se préserver. Elle accourait des montagnes comme un cheval sauvage, entraînant tout ce qui se trouvait sur son passage, ruinant rives et chaussées, emportant arbres et habitations, et tout cela si précipitamment que les gens n’avaient pas le temps de voir où ils en étaient. Seulement comme grand’mère avait déjà fait expérience de tout cela, elle ne rentra à la maison que pour conseiller de monter au grenier tous les objets et meubles qui garnissaient le rez-de chaussée.
Sur ces entrefaites arriva le chasseur qui en descendant de la forêt du côté des scieries, avait entendu dire que l’eau augmentait, et il avait voulu se rendre compte lui-même de la marche du fléau. « Les enfants ne seraient, dit-il qu’un embarras, et si le danger devenait pressant, que deviendraient-ils ? »
Il fit l’offre la plus obligeante : « je vais les prendre chez nous là-haut, » dit-il, et ce parti contentait fort les deux maîtresses. Cependant on multipliait les rangements et les transports de maison. On faisait monter la volaille vers la côte, et on conduisit la vache chez le chasseur.