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et de la tarte aux prunes ou aux pommes, ce qui ne se faisait pas auparavant. Mais il leur fallait s’habituer à faire attention aux miettes de pain : « Les miettes appartiennent au feu » disait grand’mère en essuyant la table, et elle les jetait au feu. Un des enfants en laissait-il tomber par terre, elle l’obligeait à les ramasser : « On ne doit pas, ajoutait-elle, marcher sur les miettes ; car on dit que les âmes du purgatoire en pleurent. » Elle se fâchait aussi de voir couper le pain inégalement, prétendant que « celui qui ne s’accommode pas bien du pain, ne s’accommode pas avec les gens. » Un jour Jeník demandait à grand’mère de lui couper, au long du pain, un peu plus de la croûte qu’il aimait davantage ; mais elle n’en fit rien et lui dit : « N’as-tu pas entendu dire que quand on fait ces entailles au pain, ce sont les talons du bon Dieu qu’on entaille ? Ne t’habitue pas à choisir dans le manger, quel qu’il soit. » Et le petit monsieur Jeník dut renoncer à son morceau favori.

Un morceau de pain qui se trouvait de reste, des croûtes que les enfants n’avaient point consommées entraient dans la poche de grand’mère, qui les jetait aux poissons en passant près de l’eau, les émiettait aux fourmis, ou les donnait aux oiseaux de la forêt, quand elle y allait avec les enfants ; bref, elle n’en laissait pas perdre une seule bouchée, et leur faisait toujours cette monition : « Appréciez le don de Dieu ; sinon, c’est mal ; et celui qui ne l’apprécie point, Dieu le châtiera sévèrement. » Si un enfant laissait tomber à terre le pain de ses mains, il était obligé à le ramasser et à le baiser, comme par manière de demande de pardon. Pareil-