Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 166 —

et toute la suite répond à ce beau commencement. Je ne suis pas une fille adoptive, j’ai, Dieu merci, encore ma mère ; ce pauvre homme avait le sens un peu troublé par tous ses livres. »

« Il n’en faut pas penser ainsi, ma fille, c’était un homme d’esprit exercé, qui a fréquenté longtemps les écoles et dont l’intelligence a été plus développée. Quand j’étais encore à Glatz, il y avait là aussi un homme de lettres qui demeurait tout près de nous. La ménagère, car vous savez que ces sortes pareils de gens ne se marient guère, fréquentait notre maison et elle nous racontait quel être original et grondeur il faisait : toute la journée dans ses livres, et si Susanne ne lui avait pas dit : « Monsieur, venez dîner, il n’aurait pas mangé de toute la journée. Susanne était obligée d’attirer son attention sur tout, et si elle n’avait pas été, il aurait bien été mangé par la teigne. Il passait pourtant une heure chaque jour à la promenade ; mais il y allait toujours tout seul : il n’aimait pas la société. Quand il était parti, j’allai quelquefois voir Susanne ; elle aimait le rossolis doux, et quoique je n’aime cette liqueur un peu forte, je fus obligée d’en accepter un petit verre. Elle me disait toujours : Notre vieux n’aime pas en voir ; il ne boit que de l’eau ; tout au plus, s’il y mêle parfois quelques gouttes de vin ; et il me répète souvent ; « Susanne, l’eau est une boisson la plus saine ; si tu ne t’en tiens qu’à l’eau, tu auras toujours la santé et le bonheur ; mais je me pensai aussi : Oui, l’eau est bonne ; mais le rossolis me fait aussi du bien. Il voudrait que je vécusse comme un oiseau ; manger et boire ne sont rien pour lui, du moment qu’il est