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Thérèse, comme d’une fille, et lui donna une belle dot en la mariant. J’en étais un peu fâchée que ma fille eut fait choix d’un allemand ; mais je n’y pense plus ; Jean est un homme très bon et raisonnable et nous nous entendons bien maintenant. Puis les petits enfants sont les miens. Jeanne est partie alors pour Vienne, afin d’y remplacer Thérèse. Elle s’y plaît et on dit que tout va bien. Ce jeune monde a le raisonnement tout autre que n’est le mien. De ma vie je n’aurais voulu quitter ma maison ; et bien moins encore pour aller dans un monde étranger.

Quelques années après, mes parents mouraient, l’un six semaines après l’autre. Ils s’en allèrent silencieusement de ce monde ; Dieu ne les avait laissés ni souffrir ni s’attrister l’un sur l’autre. Plus mollet on a fait son lit et plus doucement on dort. Que Dieu leur donne la gloire éternelle !

« Et ne soupirais-tu pas après tes enfants, partis tous les trois ? » demanda la princesse.

« Ah ! madame la princesse, le sang ce n’est pas de l’eau. J’ai assez pleuré souvent, mais je n’en dis rien aux enfants, pour ne pas troubler leur bonheur. Puis, je ne fus jamais seule ; car des enfants, ça ne cesse pas de naître, et ainsi on a toujours à m’occuper de quelque chose. Quand je voyais s’élever les enfants de mes voisins, je croyais que c’étaient les miens propres. Quand on est bon envers les autres, ceux-ci rendent cœur pour cœur. — Les miens m’ont supplié assez d’aller à Vienne ; et j’étais persuadée que j’y trouverai de bonnes gens comme ailleurs, et que j’y serais bien traitée, mais la route était trop longue pour moi, pauvre femme.