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souhaita envoyer chercher le prêtre ; mais vers le matin, elle se sentait mieux ; puis, ses forces augmentèrent peu à peu, au point que, quelques jours après, elle put quitter le lit. La vieille attribuait en elle-même cette amélioration à l’éloignement de l’influence démoniaque : elle n’était pas moins satisfaite d’entendre les gens du village se dire entre eux : « cette femme du forgeron ! c’en est une, celle-là ! sans elle, Victoire serait déjà morte ! » Et à force de s’entendre louanger de la sorte, elle finit par croire que son savoir avait sauvé sa cliente.

Mais tout n’était pas encore gagné ! Il est vrai que Victoire sortait déjà, allait seule jusque dans la cour ; mais elle paraissait encore étrange à tout le monde. Son regard était triste, elle ne parlait à personne et ne regardait personne. La vieille leur assurait à tous que la malade allait beaucoup mieux et qu’il n’était plus besoin de la veiller. Alors sa sœur Marie reprit pour la nuit, dans la même chambre que celle de Victoire, la place qu’elle y occupait auparavant.

La première nuit que ces deux jeunes filles y passèrent seules, Marie, qui était assise au bord du lit de sa sœur, lui demanda d’une voix tendre — car c’était une si bonne personne ! — pourquoi elle était si triste, et s’il lui manquait quelque chose. Victoire la regarda sans rien répondre.

« Vois-tu, Victoire ? J’aurais bien quelque chose à te dire ! mais j’ai peur de te fâcher. »

Et Victoire la regardait tristement : « Dis toujours, Marie ! »