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encore une fois quel bon air avait cette fille. Elle y était donc partie fraîche et belle, et voilà ensuite que le domestique la ramenait sur la voiture, couchée sur le trèfle, pâle et blessée. Elle avait le pied enveloppé et lié avec un mouchoir fin, et on fut obligé de la porter de la voiture au logis.

« Notre-Dame de la Sainte-Montagne ! » fit la mère en se lamentant, — « ma fille ! qu’est-ce qui t’est arrivé ? »

« Je me suis enfoncé une épine dans le pied, et si profondément que, depuis lors, cela va mal. Portez-moi dans ma chambre, je veux me mettre au lit ! » dit-elle encore d’un air suppliant.

On la mit au lit, et le père courut bien vite chercher la femme du forgeron. Elle accourut comme à cheval, et suivie d’un essaim de ces commères qu’on ne demandait pas, mais comme il y en a toujours. L’une conseillait à la mère un remède ; et l’autre, un autre ; celle-ci, des conjurations ; celle-là, des fumigations. Mais la vieille se décida, et mit sur le pied de Victoire de la fécule de pommes de terre. Puis elle demanda que tout le monde sortît, s’engageant à veiller elle-même Victoire, qui devait être guérie, comme par enchantement.

« Raconte-moi, ma fille, comment ça s’est passé ! tu es encore toute effrayée. Et qui t’a lié le pied avec ce beau mouchoir, si blanc et si fin ? J’ai préféré le cacher, pour que les autres ne s’en aperçussent point, » dit la vieille fûtée, en lui posant le pied sur l’édredon.

« Où avez-vous mis le mouchoir, marraine ? » demandait vivement Victoire.