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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

de tous les êtres sains qui, comme toi, ne doivent pas avoir de plus grande ambition que de les imiter. Produis, Jacques, laisse quelque chose de toi-même à ceux qui te suivront et ne te mets pas le cœur en peine d’autre chose. L’amour le plus grand, vois-tu, meurt avec ceux qui l’ont fait naître, quand il ne meurt pas avec leur jeunesse… Tu m’as compris, n’est-ce pas ? Et maintenant si le mal est le plus fort, s’il est trop tard, aie le courage de couper le mal dans la racine et quittons le Canada.

Villodin, immobile et muet avait écouté ce discours comme un bourdonnement indistinct, sans même remarquer la tournure nouvelle que prenait l’esprit ordinairement railleur et sceptique de son compagnon. D’ailleurs, ces paroles d’un sens un peu exagéré à-dessein par Gilbert ne pouvaient éveiller dans l’âme du jeune aristocrate que des ambitions alanguies par l’oisiveté et la monotonie relatives de sa vie de voyageur mais sans entraver aucunement l’élan de sa passion. En d’autres temps, Villodin eût su réfuter sans peine les arguments de Gilbert en répondant que bien des hommes, même des plus ambitieux, parvenus au soir de leur vie n’ont jamais