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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

pérer d’elle ! C’est fou de souffrir ainsi sans demander grâce !

Les larmes qui l’oppressaient affluèrent à ses yeux. Gilbert fut touché.

Se penchant sur son ami et lui prenant la main, il dit d’une voix persuasive, avec un accent que Jacques ne lui connaissait pas :

— Écoute, Jacques ; le remède au mal dont tu souffres, je vais te le donner. Le voici… Travaille, cherche une occupation d’esprit ou de corps, une occupation absorbante qui ne te laisse à aucun moment la tête dans les mains et de la pluie noire dans la tête. Rêve un peu moins aux demoiselles et pense un peu plus à ta qualité d’homme instruit et riche. Au lieu de dépenser ton énergie à entretenir des chimères dans ton cœur, extrais de celui-ci tout ce que ta sensibilité y couve d’intelligence et de génie. Sois logique avec toi-même, Jacques ; tu t’es nourri depuis l’enfance de l’esprit et de la production des autres hommes, conviens que tu as contracté moralement envers eux une dette que ton esprit et ta production personnelle seuls, pourront acquitter. N’attends pas que ta jeunesse perdue emporte en te fuyant le meilleur de toi-même.