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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

suivre le dessin avec attention, mais en réalité il regardait sans voir. Mâchonnant une cigarette éteinte, les coudes sur les genoux, le menton dans les mains, il songeait…

La pensée de Marie-Anna ne le quittait plus. Les beaux yeux noirs, le teint pâle, les cheveux blonds, ondulés et soyeux de la jeune fille demeuraient devant lui avec une netteté qu’aucune rencontre jusqu’alors n’avait laissée dans sa mémoire ; sa voix bourdonnait encore à son oreille. C’était l’obsession d’un charme nouveau et sans force devant la douce violence de ce charme, il s’y abandonnait avec délices revoyant son idole, élancée, gracieuse, souriante, l’imaginant près de lui dans une pose de tendresse, de confiant abandon.

Pourtant dans son esprit envahi de sensations nouvelles, la réalité, plus positive luttait avec le rêve. S’il éprouvait un commencement de griserie au souvenir de la récente soirée, les motifs qui provoquaient cette griserie étaient indépendants de la volonté de Marie-Anna. Rien dans sa voix, dans ses paroles, dans ses regards ni dans ses gestes n’avait été de nature à jeter le jeune homme sur cette pente vertigineuse de la passion.