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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

rie. Gilbert avait pris entre le pouce et l’index les deux pans de son habit et exécutait autour de la table un « cake-walk » échevelé qui eut enthousiasmé des nègres. Soudain il s’arrêta, une jambe encore en l’air :

— Mais que dis-je ? fit-il. J’oubliais, mon pauvre ami, que tu n’es qu’un artiste, que tes belliqueuses velléités de conquêtes ne sont en réalité que des tendances d’artiste, que ton être tout entier n’a d’autres aspirations que la pureté de la ligne, la justesse des tonalités, la conception idéale et parfaite du beau dans la forme et dans le fond ! Quand tu es entré, vois-tu, ton visage reflétait une tel contentement de l’invitation de cette charmante Canadienne que je n’ai pu croire à une simple joie de poète.

Villodin n’avait pas bronché sous cette avalanche de sarcasmes. Il feignait d’être distrait par une préoccupation étrangère.

— As-tu remarqué, demanda-t-il que Mlle  Carlier, cependant très blonde a les yeux noirs ?

— Ma foi, non ! répondit Gilbert. Mais je le crois puisque tu l’as vu. Je saurai ce soir si l’amour de l’art ne t’aveugle pas.

Et il déclama avec chaleur, ces vers de Musset :