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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

mandie et vint à Paris pour « faire son chemin. » Il connut l’atelier malsain et les misères de la lutte pour la vie ; ce fut même souvent la lutte pour le pain mais ces passes difficiles de l’existence le marquèrent du sens pratique des choses et d’une sorte de philosophie sereine qui lui firent accepter de bonne humeur les vicissitudes de sa médiocrité.

De taille petite avec une grosse tête et de grands bras, un front d’astronome sur de petits yeux gris toujours clignotants, le nez et les joues tachetées de pâles rougeurs, sa physionomie n’avait rien de ce qui plaît à la jeunesse ; mais il le savait… Quand on parlait de beauté devant lui, un sourire retroussait ses grosses lèvres :

— La beauté ? grommelait-il. Bah, c’est un peu de bonheur pour les yeux et beaucoup de souci pour le reste ! Je rends grâce au ciel de m’avoir épargné ce bonheur-là.

La fréquentation des ateliers parisiens développa en lui les tendances d’un esprit vif. Il lui arrivait de jeter au travers d’une conversation quelque répartie exotique qui déroutait le bon sens ou bien encore il soutenait une opinion personnelle en dépit de toutes les opinions opposées,