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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

pénétrèrent dans la chambre où Villodin reposait, dans une immobilité ressemblant à la mort. Une poignante émotion s’empara d’Henri et de son père quand ils virent ce jeune et beau visage, blanc comme les bandes de toile qui lui entouraient le front, si calme, si serein, si pâle qu’on eût dit que toute la vie l’avait quitté. Henri ne reconnut pas sur-le-champ le déterminé rival qui, la veille encore l’arrêtait au bord du chemin pour l’obliger à se battre. Mais quand il eut observé ce visage délicat et expressif, ce cou harmonieux, ces mains fines d’aristocrate, Henri reconnut Jacques de Villodin.

Et aussitôt mille sentiments le bouleversèrent. Il n’y avait qu’un homme sur terre qu’il haïssait d’une jalousie ardente, un rival capable de lui disputer son bonheur, un ennemi qu’il eût voulu voir à cinq cents lieues du Canada et c’était celui-là qui avait arraché sa fiancée à la mort en risquant sa vie, en donnant sa vie pour elle… Henri était un homme juste et bon ; en voyant Villodin si près de la mort, un revirement spontané s’opéra en lui. Il sentit toute sa haine se fondre dans une pitié profonde dans une admiration sans bornes, dans une reconnaissance aus-