XXIII
Villodin put à loisir admirer la cataracte de Shawinigan. Dans l’état de surexcitation nerveuse où il vivait constamment, il éprouvait un soulagement étrange à écouter le bruit des eaux bondissantes sur les roches. Ce désordre des éléments était en harmonie avec le chaos de sa propre nature ; il produisait un apaisement sur ses nerfs en offrant à ses yeux le spectacle d’une grande violence déchaînée. Jacques songeait aussi, non sans une certaine amertume à l’infinie petitesse de l’homme, à l’inanité de ses colères, à la fragilité de ses œuvres devant les œuvres de Dieu. Dans la création, l’homme est une fourmi qui travaille durant des heures à soulever un brin de paille et qui meurt épuisée de l’effort après avoir vu le brin de paille emporté par le vent ; le dernier cri est un blasphème ou une plainte et voilà toute une vie.
Jacques songeait à cela et le fond méditatif qui était en lui s’éveillait devant la merveille