Il voulut obtenir une lettre un peu plus explicite que la première, laquelle, à la vérité, ne promettait rien encore. Il écrivit :
« Que dois-je penser, Marie-Anna, de l’invitation que je reçois ? Dois-je croire à ton pardon et à ta bienveillance ? Dois-je croire à quelque chose de plus ? Si le passé n’a rien laissé dans ta mémoire, rien de la tristesse des choses que tu sais, dis-moi qu’il n’a pu éteindre un souvenir que j’aimerais à retrouver quand nous nous reverrons… Mais à quoi bon ces phrases obscures ; permets-moi d’être bref : je t’aime, Marie-Anna, tu le sais : mais pourrai-je te le dire encore quand tu m’auras reçu ?
La réponse ne se fit pas attendre. Marie-Anna éprouva une sorte de joie douloureuse à écrire des paroles renfermant à-dessein un sens amical et tendre en désaccord absolu avec ses vrais sentiments. Elle poussa même l’effort jusqu’à l’ironie badine et voilée pour donner plus de vérité à son style. Tout autre qu’Henri s’en fût aperçu mais les amoureux voient mal, si tant est qu’ils voient encore :
« Mon cher Henri,
Je t’ai dit de venir. Que veux-tu que je te dise de plus ? Ne me demande pas d’aller te chercher, les bienséances me le défendent et serait vraiment trop d’exigences de ta part quant au présent. Viens ; tu me réciteras encore de charmantes choses, car tu récites à ravir, mon cher docteur ! Du passé, c’est tout ce dont je me souviens.