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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

les pensées qui bouillonnaient dans son cerveau et cette fièvre ne diminuait d’intensité, ne s’apaisait absolument qu’à l’heure où tarissait le flot tumultueux de cette jeune âme ardente toute possédée par le premier amour. Le cœur haletant, la tête vide, les yeux fatigués, Jacques passait de la fièvre à l’abattement mais à un abattement délicieux assez semblable à ce regret mêlé d’un reste de bonheur que l’homme éprouve quand il vient de quitter la femme aimée et que les dernières paroles d’amour bourdonnent encore à son oreille. C’est l’impression que Jacques ressentait lorsque ses lettres étaient finies ; il lui semblait que Marie-Anna venait de le quitter et qu’ils avaient eu ensemble un long, un doux entretien.

L’été commençait quand Jacques crut remarquer que les lettres du Canada devenaient rares. Dans l’état où il vivait depuis cinq mois, l’inquiétude naquit aussitôt. Tourmenté secrètement mais traitant tout haut ses craintes de folies, sentant l’inquiétude grandir, le soupçon percer et s’accusant en même temps de blasphème, Jacques entra dans un purgatoire où ses forces morales s’annihilèrent de plus en plus. Il