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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

mort, dix ans plus tôt lui enleva son mari et elle savait que Marie-Anna, soumise, intelligente, pleine de cœur ne passerait pas outre sa volonté. Madame Carlier entra dans le rôle de médecin de l’âme et au moyen de douces et persuasives paroles, patiemment, mesurant les mots, fit d’abord sentir à sa fille, le chagrin qu’elle éprouvait en la voyant ainsi l’esclave d’un amour sans avenir conforme au bonheur commun. Puis elle lui demanda si elle avait pensé à sa mère le jour où des aveux et des promesses avaient été échangées avec Jacques de Villodin. Cette première question n’embarrassa pas la jeune fille ; elle avait l’assurance que Jacques ne priverait pas madame Carlier de son enfant et qu’elle serait invitée à partager leur vie. Alors la veuve lui fit entendre qu’il lui était impossible à son âge, de quitter le Canada, de s’expatrier après avoir passé toute sa vie dans la province de Québec où tant de doux et tristes souvenirs l’attachaient, où elle comptait finir ses jours.

Marie-Anna fut touchée.

Le voile des impossibilités soulevé complètement par la main délicate de sa mère lui montra pour la première fois l’instabilité de son amour.