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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

— Il est inutile de m’écrire, Henri ; je sais ce que tu m’écriras.

Il se leva d’un mouvement de maniaque, comme un homme qui apprend brutalement sa ruine. Par un phénomène qui peut paraître étrange et qui n’est cependant qu’une conséquence de l’émotion spontanée, la parole lui vient, ardente, volumineuse, forte et s’échappa de ses lèvres comme un torrent longtemps retenu par la puissance des entraves.

— Que dis tu, Marie-Anna ? s’écria-t-il. Tu sais ce que je t’écrirai ! Alors tu sais aussi que j’ai un cœur qui souffre de toi, qui t’attend, qui t’espère, qui te veut ! Et tu me laisses souffrir sans un mot dans lequel je puisse deviner le plus petit semblant d’amour ! Tu me rends le plus malheureux des hommes, moi, ton ami d’enfance, moi qui depuis plus de quinze ans vis dans ton ombre en te chérissant comme ce que j’ai de meilleur au monde, moi qui depuis l’âge des affections n’ai pas nourri d’autre sentiment que l’amour de toi ! Ô cet amour-là, Marie-Anna ! Tu n’en connaîtras jamais de plus grand ! On peut t’aimer autant que je t’aime ! on ne t’aimera jamais davantage. C’est au-dessus des forces de l’homme !