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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

avec une telle expression de mauvaise humeur qu’il en pâlit.

Ils furent sur le quai.

Marie-Anna prit le bras de la tante Manceau. Le passage brusque de la tiédeur du wagon au froid piquant de la nuit la fit frissonner. Le village était silencieux. Les êtres et les choses dormaient dans la torpeur pesante et dans l’obscurité du cercle des montagnes. Onze coups sonnèrent à l’horloge de l’église et leur son fragile s’éteignit sans écho avec la dernière note.

Henri accompagna Marie-Anna jusqu’à sa demeure, sans dire une parole, subissant un malaise qu’il ne s’expliquait pas. Au moment de la quitter, il prit rendez-vous pour le lendemain.

— Viens si tu veux, dit-elle du bout des dents.

Il s’empara de sa main, la garda un instant dans les siennes et demanda timidement, après une courte hésitation :

— Tu me promets d’être plus bavarde demain, Marie-Anna ?

Ele sentit le reproche mais une pensée soudaine ne lui laissa pas le temps d’en être émue. Marie-Anna vit l’occasion de porter un premier coup à cet amour dont elle n’acceptait pas l’hommage.