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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

Hélas, si pleinement possédée que soit sa pensée par les souvenirs, la pauvre enfant ne put empêcher le scrupule de pénétrer dans sa vie et d’empoisonner ses joies les plus douces, les plus innocentes.

Marie-Anna était chrétienne. La droiture d’âme était en elle une vertu native. Or ne commettait-elle pas une action indigne en gardant un secret à l’égard de sa mère ? Lui devait-elle dissimuler cet amour qui, à la vérité n’avait trouvé dans sa conscience que de la docilité ?…

Ce scrupule ne la quitta plus. Elle en fut journellement obsédée et en devint très malheureuse. Elle sentait qu’elle devait avouer à sa mère ; elle savait qu’elle avouerait un jour mais elle remettait toujours la fatale entrevue. Ce lui semblait peut-être difficile à dire parce que c’était la première fois qu’elle aimait. Sa raison, sa nature chrétienne, son affection filiale lui ordonnaient de parler, de se confesser, de s’épancher… Elle se taisait et elle souffrait. À cette souffrance se mêlait et se substituait parfois la douceur des évocations, des espoirs et la confusion qui en résultait dans son esprit lui enlevait le pouvoir de la décision.