Page:Bluther - Marie-Anna la Canadienne, 1913.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
MARIE-ANNA LA CANADIENNE

Marie-Anna buvait sa parole comme un délicieux breuvage tout empoisonné de bonheur. Elle écoutait comme le chant d’une voix inconnue, lointaine cette musique de l’amour qui jusqu’alors n’avait jamais effleuré son oreille de ses notes enchanteresses ; elle entendait ces douces et harmonieuses vibrations d’une âme élevée, esclave de la sienne et durant ces quelques minutes de félicité pure, à la voix de cette âme ardente qui se donnait à elle pour la chérir et la consoler toute la vie, elle sentit naître au fond d’elle-même le besoin de donner toute son âme à son tour, le désir de répandre les trésors de tendresses qui reposaient en elle.

Cependant, l’amère pensée du départ prochain de Jacques, tout en rendant ses intimes joies plus vives les assombrit profondément. Lui aussi partageait cette amertume, les pensées mélancoliques et délicieuses qui agitaient Marie-Anna.

— Que je souffre de vous quitter, mon adorée ! fit-il. Nous venons de conquérir un bonheur qui durerait toute la vie, et déjà, il faut se dire adieu !…

Elle ne répondit pas. Jacques vit deux larmes perler au bord des paupières de la pauvre enfant.