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révolutionnaire. Fils de possédant ou fils de prolétaire, les hommes naissent tous libres, tous égaux. Pourquoi la société livre-t-elle les uns aux autres, asservit-elle les uns aux autres, exploite-t-elle le travail des uns au profit des autres ?

On nous répondra : la société distribue à chacun de ses membres le rôle, la tâche qui convient à ses facultés. Il faut bien que l’un commande et que l’autre obéisse, que l’un dirige et que l’autre exécute, que l’un travaille de son cerveau, l’autre de ses bras. Il existe nécessairement comme une hiérarchie d’emplois sociaux, auxquels une société policée pourvoit selon la différence des aptitudes, c’est-à-dire de l’intelligence et de la culture. Soit, il faut des hommes pour toutes les tâches, et il serait absurde que chacun d’eux prétendît à diriger les autres. Mais où trouverons-nous l’assurance que le fils du possédant en fût plus digne que le fils du prolétaire ? Quand donc a-t-on mesuré contradictoirement leurs aptitudes, c’est-à-dire leur intelligence et leur culture ? L’un est plus instruit que l’autre ? C’est qu’un premier privilège, une première distinction arbitraire les a séparés, dès que leur conscience s’éveillait à la vie. Les fils de possédants ont eu leurs écoles à eux, où l’instruction n’a pour ainsi dire pas de fin, où le plus médiocre esprit, à force de temps et de sollicitude, finit par usurper un semblant de connaissances. Les fils de prolétaires ont les leurs, où l’étude est limitée dans ses programmes et dans sa durée, et que les plus aptes doivent quitter bien vite pour apporter à leur famille un complément de subsistance, pour entrer à leur tour dans la servitude du travail salarié.

Si l’on prétend réserver aux plus dignes les emplois de direction et de commandement, qu’on commence donc par donner à tous la partie égale ! Que l’instruction soit commune entre tous les enfants, semblable pour tous, qu’elle devienne entre eux un moyen de sélection exacte… et alors nous verrons bien à qui le prix du mérite reviendra. Que de degré en degré l’école nationale retienne vers les