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MANTEGNA.

rieure, la poitrine s’affaisse sans souffle, la tête est penchée à droite, les mains immobiles montrent les plaies que les clous ont laissées, les bras placés symétriquement demeurent rigides. Il y a là un effet de réalisme effrayant.

Ce but d’effrayer plutôt que d’émouvoir, qui frappe dans beaucoup de ses œuvres, révèle moins une âme chrétienne qu’un esprit préoccupé de mesurer la puissance expressive de son art. On sent un génie inquiet chez lequel subsiste la trace des luttes âpres et violentes du quattrocento. Au moment où l’esprit hésite entre la tradition immobile du moyen âge et la culture moderne, il comprend la nécessité d’étudier l’antiquité comme un moyen d’apprendre à connaître la nature. À un peuple passionné de voir et de savoir, l’antiquité fait aimer la vie que le moyen âge avait flagellée de sa discipline et qu’elle réhabilite avec toutes ses jouissances, la lumière, l’air, l’espace, les fleurs, toutes les beautés dont elle se pare. « Les couleurs fines, écrit Marsile Ficin, les lumières, les voix, la splendeur de l’or, la blancheur de l’argent, la science, l’âme, ces choses nous les appelons belles. » À cette société dont les yeux s’ouvrent pour admirer toutes les merveilles de l’univers trop longtemps condamné, Mantegna voulut révéler la beauté de la forme vraie. Pour se faire une idée de ses efforts, il faut avoir présent à la mémoire le médaillon en bronze attribué soit à Sperandio, soit à Gian Marco Cavalli et placé dans la chapelle à gauche dans l’église San Andréa de Mantoue, qui représente