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étant d’ailleurs l’expression de la majorité la plus forte et de la volonté populaire la plus claire qui se soit peut-être exprimée depuis que la République est fondée. Non seulement, nous accéderons au pouvoir de la façon la plus régulière et la plus légale, mais nous sommes mêmes allés jusqu’à respecter l’habitude, la tradition constitutionnelle.

Quelques-uns d’entre vous, comme notre camarade Durel — qui milite aujourd’hui dans la Fédération de Lot-et-Garonne après avoir été chassé de Tunisie — comme Marceau Pivert, ont exprimé l’appréhension que dans cette conjoncture nous ayons manqué de décision et d’audace et même peut-être, à leurs yeux, de prudence. Ils pensent que sans perdre un moment, nous aurions dû au lendemain du second tour de scrutin, exiger la constitution immédiate d’un gouvernement nouveau qui fût la représentation fidèle de la majorité. Ils pensent qu’en attendant le terme normal, nous avons laissé à nos adversaires le bénéfice d’un temps précieux, que nous avons remis ainsi entre leurs mains le moyen de dresser leur piège et de miner le sol sous nos pas.

Qu’ils me permettent de leur dire que les pièges étaient tendus depuis longtemps, depuis plus longtemps qu’ils ne le croient, et que pour les travaux de sape on n’avait probablement pas attendu la dernière heure. Je comprends leurs craintes, je comprends surtout l’impatience très explicable des masses populaires, mais il y a quelque chose que je sais bien aussi, ou dont, tout au moins, je suis bien persuadé, c’est qu’en procédant autrement que nous ne l’avons fait, nous serions tombés alors dans le véritable piège ; et c’est celui que nous avons évité. Le pire danger était précisément que l’on fît flamber, en quelque sorte, le mouvement de panique qui commençait, par la démission forcée ou volontaire du gouvernement et qu’on nous plaçât devant l’obligation d’une prise de pouvoir