Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ques instants avant de lire le décret de clôture, j’ai pu rappeler, devant la Chambre, notre Déclaration ministérielle en ponctuant chaque promesse de réforme de ces trois petits mots : « c’est fait ».

Les réformes votées en quelques semaines portent si loin, et par l’importance intrinsèque de chacune d’elles, et, par leur concordance, que nous pouvons presque nous flatter d’avoir fondé dans le pays la première assise d’un ordre nouveau. Nous avons opéré, dans les conditions matérielles et morales des travailleurs, les changements les plus profonds qui y aient été sans doute apportés depuis les débuts de la Troisième République. Nous avons transformé l’économie rurale du pays, en rehaussant le prix de vente des denrées agricoles essentielles au niveau de leur prix de revient, en commençant l’organisation des offices professionnels, en aménageant les dettes des producteurs paysans. Nous avons animé et entretenu un grand espoir, parce que nous l’avons en partie satisfait. Les signes de la renaissance économique commencent déjà à parcourir le pays tout entier.

Voilà les compensations aux périls que j’appréhendais.

Mais en considérant le temps écoulé avec un peu de recul, je n’ai même pas le sentiment que ce péril ait été aussi redoutable que je l’avais craint. On s’est plaint que certaines fractions de la classe ouvrière se soient montrées impatientes et exigeantes. Je ne veux pas rechercher ici ce que ces critiques ont de fondé, mais vraiment, s’il y a quelque chose d’admirable, quelque chose qui atteste l’intelligence et la culture politique, vraiment incomparables, du peuple français, c’est précisément que la constitution d’un Gouvernement comme le nôtre, après de telles élections, dans de telles circonstances, n’ait pas provoqué plus d’impatiences et d’exigences. La grande masse du pays a parfaitement compris ce que je craignais qu’elle