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rope actuelle, c’est que le partage ne s’établit plus entre la démocratie et les dictatures, mais qu’on s’efforce de l’établir entre les dictatures et le communisme, ou, pour parler plus exactement entre une certaine conception de l’ordre, même dictatoriale, et une certaine conception de l’anarchie ou de la guerre sociale qu’on prétend tirer du communisme. Le déplacement du problème entraîne un déplacement des forces. Des éléments politiques ou spirituels qui prenaient position pour la démocratie contre le fascisme, prennent aujourd’hui position pour l’ordre autoritaire contre l’anarchie, ou bien se déclarent neutres entre les deux. Il y a bien des événements contemporains que je pourrais éclairer à la lumière de cette pensée.

Je suis profondément convaincu que ce déplacement de position et de force est contraire aux intérêts de notre pays, car il consacre le succès de propagandes adverses ; qu’il est contraire aux intérêts de la démocratie, car on viendra tôt ou tard, et somme toute on y est déjà venu, à condamner la démocratie comme un simulacre, ou comme un état préalable de l’anarchie communisante, si l’on peut accoupler ces deux termes contradictoires. Ne laissons pas se développer un mouvement analogue à l’intérieur du cadre national. En France aussi, beaucoup de forces politiques et spirituelles, sincèrement attachées à la démocratie, se déplaceraient si on leur présentait un choix fallacieux entre l’ordre, même autoritaire, et l’anarchie.

Un tel choix n’est nullement posé devant la France actuelle, sinon par les propagandistes professionnels de la réaction. Personne en France n’a besoin de penser à la dictature quand il souhaite l’ordre. Aucun des Partis du Front Populaire n’a et ne peut avoir d’autre but que la continuation du progrès dans l’ordre et que le maintien de l’ordre par le jeu des institutions démocratiques. Chacun