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la situation au lendemain d’une cassure, d’une rupture ?

Mais je veux pousser l’hypothèse plus avant. Supposez que l’opération si véhémentement préconisée par une partie de l’opinion réussisse. Supposez que le Parti Communiste se retire de la majorité ou soit poussé hors de la majorité. Vous imaginez-vous par hasard, qu’une fois cette amputation exécutée on s’en tiendrait là ? Non : il ne serait pas si facile de faire la part du feu. Aussitôt après, notre tour. La réaction se souviendrait vite que les socialistes sont aussi des marxistes. La dénomination commode d’extrémistes prendrait, de jour en jour, plus d’extension. Après les socialistes vous prendriez la file, vous, radicaux. On s’efforcerait de séparer les « bons » radicaux des « mauvais » ; les mauvais étant ceux qui marquent trop de complaisance au Front Populaire… La majorité de gauche sans les communistes — à supposer qu’on parvînt à la constituer — serait en tout cas une étape prestement franchie. En moins de rien, on aboutirait au point terminus c’est-à-dire à ce Gouvernement d’Union Nationale dont nos grands patriotes redécouvrent régulièrement la nécessité chaque fois que le suffrage universel a donné la majorité à la démocratie.

Laissez-moi vous confier la pensée qui me vient chaque fois que j’essaie de dominer d’un peu plus haut l’état présent de la France, l’état présent de l’Europe. Si l’on remonte d’un an ou deux en arrière, les forces politiques et spirituelles de l’Europe se partageaient essentiellement entre la démocratie d’une part, et, d’autre part, ce que j’appellerai d’un terme générique le fascisme, c’est-à-dire la soumission de toutes les formes de la vie collective ou individuelle à une discipline totalitaire, autoritaire, dictatoriale. Le drame de l’Eu-