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à arrêter les conflits avant que la force publique s’y trouve engagée. Cette méthode ne leur suffit pas, ne leur convient pas. Ils ne nous reconnaîtront une autorité véritable que le jour où l’application de la loi aura pris la forme d’une véritable répression.

Laissez-moi vous citer un exemple qui m’est demeuré dans l’esprit. Au commencement d’octobre, dès le début de la grève des hôtels et des cafés, nous avons fait évacuer, sans tapage et sans incident, un certain nombre d’établissements des Champs-Élysées, des Grands Boulevards, du quartier Montparnasse. Le soir même, le plus grave de nos journaux — je prends l’épithète dans son sens étymologique, c’est-à-dire le plus pesant — raillait lourdement la « douce évacuation » de la journée. Puisque tout s’était passé sans encombre, nous étions un Gouvernement sans autorité.

La fermeté, oui, mais sans dureté, sans brutalité. L’ordre, oui, puisque la loi le veut et que le bien de la République l’exige, mais en n’oubliant jamais que certaines formes de la répression viendraient à leur tour frapper la République d’un coup mortel, qu’elles développeraient au sein des masses ouvrières une funeste désaffection vis-à-vis de ces libertés démocratiques, auxquelles, par bonheur, elles manifestent aujourd’hui, sans nulle exception, sans nulle réticence, un attachement si passionné et si fervent.

Ainsi, pour rester fidèle à son mandat de défense républicaine, le Gouvernement doit se garder de l’un et de l’autre danger. Croyez-vous qu’il puisse aisément y réussir sans le concours des travailleurs groupés autour du Parti Communiste, sans le concours des organisations syndicales unifiées ? Croyez-vous qu’il puisse aisément parvenir, sans leur concours, à adapter amiablement et pacifiquement l’économie nationale à ses conditions nouvelles ? Essayez de vous représenter réellement