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de conservation a soulevé le pays. Il a poussé, ou même contraint à l’union tous les partis, toutes les organisations, tous les individus qu’animait la même volonté de défendre les libertés démocratiques. Cet élan instinctif pouvait s’appuyer d’ailleurs sur toute l’expérience de l’histoire. Car jamais en France, à aucun moment, la République n’a pu être efficacement défendue sans le concours entier et ardent des masses ouvrières et paysannes. Quand les institutions et les libertés démocratiques ont connu de sérieux périls, c’est toujours parce que l’erreur des Gouvernements ou l’intrigue des oppositions étaient parvenues à jeter le soupçon et à créer la division entre les différents corps de l’armée républicaine, entre la bourgeoisie et les masses prolétariennes, entre le peuple ouvrier et le peuple paysan.

Pensez à la période qui a précédé le coup d’État du 2 décembre, à celle qui a suivi la guerre de 1870 et la Commune, pensez au Boulangisme, pensez à la crise nationaliste résolue par Waldeck-Rousseau et par Combes. Sommes-nous parvenus à un état de tranquillité, de sécurité si parfaite que nous puissions oublier aujourd’hui de tels enseignements ? Pouvons-nous dire vraiment : la victoire est acquise, retournons chacun chez nous ? Je n’entends pas du tout grossir le danger immédiat, mais il ne faut pas le nier. Nous pouvons répondre, je crois, sans nulle forfanterie, du salut de la République. Mais à une condition, c’est qu’une démobilisation imprudente ne libère pas tous les partis rassemblés dans le Front Populaire de la tâche commune qu’ils avaient assumée. C’est que les forces républicaines, toutes les forces républicaines demeurent unies. C’est que nous nous défendions contre les erreurs ou les intrigues qui créeraient la division entre la petite bourgeoisie et tout ou partie des masses prolétariennes, entre les ouvriers et les paysans. D’autres se flatteront