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la considère comme à peu près excusable dans le cas où elle est pourtant le plus criminelle, c’est-à-dire quand elle est employée froidement, systématiquement, comme une arme politique, comme un moyen de propagande, de vengeance ou de représailles.

Voici quelques années qu’il en est ainsi dans notre pays. Je n’incrimine aucun parti politique organisé, mais les clans, les bandes, les hommes, les journaux qui, contre les adversaires, jugent tous les moyens bons et tous les coups réguliers. Il s’agit pour eux d’abattre tel ou tel homme, ou bien à travers tel ou tel homme, d’atteindre tel ou tel parti, ou bien à travers tel ou tel parti, d’atteindre les institutions et le régime républicain. Seul le résultat compte, et s’il ne peut être utilement obtenu que par le mensonge et la calomnie, va pour le mensonge et pour la calomnie. Si un homme est déshonoré, chemin faisant, tant mieux. Si un homme souffre et meurt, tant pis. La fin justifiera les moyens.

Voilà précisément ce qui ne peut pas durer. Le peuple français ne livrera pas plus longtemps les siens à la presse infâme. Il ne supportera pas plus longtemps que pour satisfaire à leurs passions, à leurs vengeances — ou même à leurs plus vils intérêts — les chefs de bandes et les mercenaires attentent à son honneur ou même à sa sécurité. Il reconstituera en dehors d’eux la communauté nationale. Il consolidera contre eux les institutions républicaines. Il rejettera fermement, durement s’il le faut, leurs attentats contre la société plus libre et plus juste qui s’élabore.

Roger Salengro n’aurait pas voulu d’autre vengeance… Mais comme il va nous manquer dans nos luttes et comme il sera dur de ne pas l’avoir auprès de nous dans nos victoires.

Pauvre Roger ! Tu ne tenais plus à la vie, mais nous tenions à toi, et si nous nous adressons au-