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Cela court ; cela s’insinue ; cela circule au delà des frontières ; cela est reproduit avidement par tout ce qui nous redoute, par tout ce qui nous jalouse, par tout ce qui nous hait.

Mais, blesser son pays, c’est bien peu de chose, quand on peut atteindre, à travers lui, des adversaires détestés ; et l’on est tout de même de grands patriotes !

Peu importe, messieurs, que la boue rejaillisse sur le renom de la France, si l’honneur d’un adversaire peut en être souillé.

Je vous en prie, méditez cela.

Et puis, je vous le demande aussi, pensez à l’homme, car il y a un homme dans cette affaire, un homme avec un cœur d’homme, un homme qui est votre collègue, que vous connaissez tous.

Il y a un homme qui, depuis des semaines, est affreusement torturé.

Oh ! je le sais bien, messieurs, et vous le savez comme moi, on essaie dans ce cas-là de contraindre, de refouler en soi sa souffrance. On dit à ses amis : Ce n’est rien, cela ne compte pas.

Et puis, quand les amis vous suivent des yeux, ils vous voient un visage altéré. Alors, ils éprouvent dans leur amitié, dans leur tendresse, à quel point un cœur d’homme peut être rongé par une calomnie comme celle-là.

Peut-être, Roger Salengro, n’en avez-vous pas encore suffisamment l’habitude. Vous vous y ferez sans doute, avec le temps.

Mais, pour les infâmes, cette souffrance infligée à un homme n’a pas plus d’importance que l’atteinte portée à la nation.

Je dis tout cela, messieurs, sans passion aucune, parce que j’ai pris l’habitude. Mais je dis aussi que cela ne peut plus durer.

C’est ce que je vous demande d’affirmer aujourd’hui, et je remercie cordialement M. Becquart de vous en avoir fourni l’occasion.