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sieurs, c’est le commandant Arnould qui le déclare, le soupçon apparaît.

Il apparaît en même temps que renaît un atroce préjugé. Vous vous rappelez avec quel soin le lieutenant Deron, dans sa déposition, insistait sur le fait qu’il n’avait jamais entendu Salengro tenir de propos antimilitaristes. Mais malgré tout, et en dépit de sa jeunesse, Salengro était un militant socialiste, un militant déjà connu. Il avait figuré sur le carnet B, en illustre compagnie, et, de la part d’un socialiste, on pouvait évidemment tout croire.

Pour vous montrer avec quelle partialité, assurément inconsciente, les faits se reconstituent alors dans l’esprit des chefs de Salengro, je vous lirai la fin du rapport du commandant Arnould concluant pour la première fois à l’ouverture d’une information. C’est le rapport du 17 novembre qu’il établit à son retour de Paris. Voici la fin de ce rapport :

« Il semblerait donc, étant donné le passé du soldat, dont les idées antimilitaristes lui avaient valu d’être mis en prison le jour de la mobilisation, qu’on se trouve en présence d’une vulgaire désertion à l’ennemi. »

Et le chef de corps ajoute : « Le fait que le cycliste Salengro avait quitté les lignes sans armes avait paru très suspect au chef de corps qui connaissait les fâcheux antécédents de ce soldat. »

Voilà donc la procédure engagée, et voilà aussi expliqué le retard qui avait paru singulier à M. Becquart, si j’en juge par l’une de ses lettres au ministre de la Guerre, et dont vous connaissez maintenant la cause.

Vous voyez pourquoi c’est seulement le 17 novembre que se déclenche la procédure militaire.

Après ce rapport du 17 novembre — tout cela est au dossier — nouveau rapport, plainte, ordre d’informer, information, information rendue beaucoup plus lente du fait que le régiment était passé