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gent Demailly, mais je ne le crois pas, car on m’a dit que Demailly était tombé beaucoup plus près des fils de fer, c’est-à-dire des Allemands.

« Salengro s’approchait terriblement de la crête. Je pris mes jumelles pour l’observer. À ce moment, un soldat cria : « Il mérite la croix de guerre. » Je répondis : « Il l’aura. » Puis Salengro disparut derrière la crête. Quelques instants après j’entendais distinctement trois coups de feu. Je n’ai plus revu Salengro. »

Cela, messieurs, est extrait du procès-verbal de comparution du lieutenant Deron devant le rapporteur du Conseil de guerre, le 30 décembre 1915. Mais je puis lire également à la Chambre, parce qu’ils sont peut-être plus précis et plus vivants, quelques fragments des notes d’audience, auxquelles M. Becquart a fait allusion, notes d’audience prises par le greffier pendant la déposition du lieutenant Deron devant le Conseil de guerre.

« Avant d’être cycliste, dit le lieutenant Deron, Salengro était dans ma compagnie. Très bon soldat, jamais l’ombre d’une difficulté. »

« Sur interpellation : « Il n’a jamais professé d’opinions antimilitaristes, au contraire. Après l’attaque, il s’est informé de ses anciens camarades, est venu saluer les survivants, a parlé de la promesse faite à Demailly. Il a dit : « Mon lieutenant, je veux chercher le corps de Demailly. » Il a insisté. Je lui ai dit : soit ! allez, mais je vous interdis de passer la crête.

« Il a enlevé son ceinturon. Il est allé en rampant. Je l’ai vu nettement s’arrêter devant quelques cadavres mais ne pas mettre les mains dans les poches. Il a rencontré un troisième cadavre. Je l’ai vu nettement mettre la main dans la poche, en retirer quelque chose, le mettre dans sa poche à lui, puis il a continué. »

« Sur interpellation : « Mon impression est toujours bonne. Il venait, à mon avis, de trouver un