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crois, au fond du débat politique, au fond du malentendu politique qui existe entre vous et nous ; et depuis que ce Gouvernement est constitué, vous pensez bien que j’ai assez, — je ne dirai pas d’expérience, puisque mon expérience du Gouvernement est fraîche, — mais que j’ai tout au moins assez de clairvoyance pour l’avoir pénétré.

Je sais bien dans quel état d’esprit vous avez voté les lois que nous vous avons apportées au début de cette législature. Je sais très bien que, sans vouloir entraver notre expérience, et j’en remercie votre loyauté, vous ne l’approuvez pas. J’ai entendu l’énoncé de vos inquiétudes. Vous sentiez bien qu’il n’était pas possible à vous, Sénat, d’entrer en conflit, au lendemain des élections, avec un Gouvernement directement issu de la volonté du suffrage universel, c’est-à-dire du pouvoir souverain en République. Mais, sans doute, souhaitiez-vous, sans doute souhaitez-vous encore, que d’autres combinaisons politiques assument la direction du Gouvernement dans ce pays : c’est votre droit, rien de plus naturel, rien de plus légitime. Mais c’est mon devoir à moi de vous parler comme je le fais, de ne pas vous dissimuler ce que nous sommes, de ne pas dissimuler le sens et la portée de ce que nous faisons.

On a beaucoup parlé de l’expérience Blum. C’est me faire bien de l’honneur. C’est encore, je crois, mon charmant ami Paul Reynaud, je le dis sans nulle ironie, qui, le premier, à la Chambre, a employé cette expression. Si cette expression a un sens, voici celui qu’elle comporte. Rendez-vous compte qu’il est bien grave. C’est de savoir dans quelle mesure, jusqu’à quel degré, il est possible de réaliser une certaine quantité de progrès social et d’égalité humaine à l’intérieur des cadres légaux, à l’intérieur du régime républicain, à l’intérieur du système de société, de propriété qui est le système actuel de la France.