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vous la faites tout de suite, vous pourrez la présenter au pays comme la conséquence directe, immédiate, inéluctable de la situation qui vous est léguée. Tout le monde comprendra qu’elle est la conclusion de l’inventaire que vous allez dresser. Le pays connaît la situation que vous trouvez. Il sait quelle quantité d’or est sortie depuis dix-huit mois. Il sait qu’à ces 20 ou 25 milliards d’or sortis de l’encaisse n’ont pas correspondu des rentrées de billets en nombre équivalent, puisque la circulation est restée étale, en sorte que tout s’est passé depuis un an et demi environ comme si l’on avait vécu sur l’encaisse.

« Le pays sait que la capacité d’emprunt à court terme est épuisée au point que, pour les dix derniers milliards de bons du Trésor, il a fallu recourir aux procédés d’aval et de réescompte qui sont aujourd’hui connus de tout le monde. Il sait quel est le déficit du budget, quel est l’embarras de la trésorerie. Il comprendra que la dévaluation est la conséquence directe, inévitable, d’une telle situation.

« Au contraire, si vous hésitez, si vous essayez de l’empêcher ou de la retarder, on aura oublié déjà le passé, parce que tout s’oublie vite, et on viendra vous dire : « Non, la dévaluation n’est pas la conséquence de la situation que vous avez trouvée, qui vous avait été léguée par la précédente législature. Elle est la conséquence de vos propres fautes, le signe de votre propre échec et de votre propre faillite. »

On nous avait dit tout cela à cette époque. On nous l’avait dit de tous les côtés et sur tous les tons.

Et cependant nous ne l’avons pas fait. Au contraire des conseils que nous recevions, nous avons entrepris, avec une entière sincérité, avec le plus ardent désir de réussir, la tentative qui, dans notre conviction, pouvait empêcher cette dévaluation qu’on nous présentait comme inévitable.