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En réalité, vous sentez bien que nous touchons ici le point central du débat.

Certains de nos amis de la majorité et aussi, je le sais, quelques-uns de mes amis de l’opposition, redoutent que nous n’allions trop loin dans notre volonté de paix, ou plus exactement, ils redoutent que notre volonté de paix ne nous fasse faire fausse route.

Ils pensent que c’est par la fermeté qu’on prévient la guerre et qu’au contraire on risque de la rendre plus prochaine ou plus certaine par je ne sais quel zèle pusillanime de la paix.

Toutes les positions, pensent-ils, sont ainsi livrées, abandonnées l’une après l’autre sans avoir été défendues. L’esprit d’entreprise et d’audace s’encourage par les faiblesses, par les concessions, par les capitulations.

Les États autoritaires, plus aptes en effet aux préparatifs secrets et aux initiatives brusquées, s’habituent à placer l’Europe devant les faits accomplis, et, ainsi, on en vient, dit-on, à ruiner par la base les conditions essentielles de la paix à force de vouloir à tout prix écarter ou détourner toutes les possibilités de guerre.

Voilà l’argument. Je crois sentir ce qu’il peut contenir de vérité. Moi-même, au mois de juillet, à Genève, je me rappelle avoir parlé de cette contagion de l’exemple et, ce qui est pis encore, disais-je, de cette contagion du succès.

Mais je me suis toujours souvenu du mot d’un homme d’État d’il y a un siècle. « Je n’ai jamais adressé d’ultimatum, disait-il, sans être prêt à l’appuyer par le canon. »

Il arrivera peut-être un jour où, en présence d’une entreprise trop menaçante pour les conditions essentielles de la paix, nous serons amenés à dire : « Non, pas cela. Impossible d’aller plus loin. »

Il arrivera peut-être un jour que nous le disions,