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tions de tous les hommes sont les mêmes. La campagne électorale est paisible, assurément, mais cette tranquillité ne recouvre ni l’indifférence ni l’apathie. On le voit bien à l’expression des visages, et je voudrais le sentir en ce moment, en rencontrant vos regards : le calme, le sang-froid, la maîtrise de soi-même recèlent une inquiétude profonde. Le peuple français s’attache avec une sollicitude inquiète aux difficultés de l’heure présente, et s’il reste calme, c’est parce qu’il entend en décider lui-même, parce qu’il entend rester maître de son propre destin.

Pourquoi nous dissimulerions-nous les uns aux autres que la plus pénétrante de ces inquiétudes porte sur l’état de l’Europe. Vous le savez mieux que nous. Quand la question de la paix et de la guerre se pose devant les esprits, elle relègue derrière elle toutes les autres, parce qu’elle contient d’ailleurs toutes les autres.

Le problème de la vie humaine domine le problème du pain quotidien. Or, il est vrai que, depuis plus d’un an, les nuages s’amoncellent sur l’Europe. L’Allemagne hitlérienne a réarmé. Le Japon affronte la Russie soviétique en Mongolie. Mussolini a envahi l’Éthiopie. Au commencement du mois dernier, vous avez entendu le grondement du tonnerre sortir des nuages noirs. C’était le Diktat de Hitler, la répudiation du traité de Locarno, le passage du Rhin par l’armée allemande. Comment le pays ne se serait-il pas ému ? Rien de plus naturel que cette émotion… Mais ce qui est assurément moins naturel et moins légitime, c’est de voir la réaction — la réaction désemparée et qui se sent vaincue d’avance — attirer à elle cette émotion et chercher à l’exploiter à son profit.

Car on vous présente aujourd’hui, chers citoyens,