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on opprime. » Et derrière les volontaires de 1792, il semblait déjà montrer la garde de Napoléon et les grandes conquêtes impériales.

Je me rappelle une conversation que j’avais un jour avec Jaurès. Je lui disais « Mais, Jaurès, n’y a-t-il pas cependant des moments où la guerre est nécessaire ? » Je lui citais des exemples historiques, qui m’avaient toujours obsédé l’esprit. Je lui rappelais cette période, de février à juin 1848, qui a été vraiment un des moments héroïques de l’Europe troublée. À cette époque, la République française venait d’être proclamée à Paris. La révolution, comme une traînée de poudre, avait gagné l’Europe. Le roi de Prusse avait dû quitter Berlin. Le jeune empereur d’Autriche, François-Joseph, avait dû s’enfuir à son tour. Les Piémontais avaient déclaré la guerre aux Milanais. Rome avait chassé son Pape. Les Hongrois s’étaient révoltés contre la domination autrichienne. Partout, la révolution grandissait.

Je disais à Jaurès : « Dans un tel moment, est-ce que ce n’est pas Lamartine qui a eu tort, qui a trahi la République et la Révolution, en proclamant la politique de non-intervention ? Les ouvriers, qui, quelques semaines plus tard, devaient tomber à Paris, sur les barricades de juin, est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu qu’ils aillent au secours de l’Italie, de l’Allemagne, au lieu de laisser le tsar Nicolas, le puissant tsar, envoyer les armées rétablir l’empereur d’Autriche à Vienne, le roi de Prusse à Berlin, pour que, ensuite, les armées autrichiennes viennent à leur tour rétablir le Pape sur le trône de Saint-Pierre ? »

Mais Jaurès répondait : « Non ! Non ! cela n’aurait pas mieux valu. Chaque fois qu’on peut éviter la guerre, il faut éviter la guerre. La guerre, c’est le mal ! La guerre ne peut rien engendrer de noble et de bon ! Ce n’est pas d’elle que le genre humain peut attendre le bien ! Ce n’est pas la guerre qui