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appelle aujourd’hui le réalisme, c’est-à-dire par la considération utilitaire des faits ? Non certes. L’expérience n’a pas déçu la croyance de la nation française. Les principes posés par la Révolution de 1789 se sont étendus sur le monde entier. Ils ont changé la face morale de l’univers. Ils ont lentement éliminé les luttes de races et de religions qui ensanglantaient l’Europe depuis des siècles et qu’on a pu croire abolies à jamais. Ils ont transporté sur le plan de la pensée pure ou sur le terrain de l’action constructive la querelle éternelle des doctrines. Ils ont suscité une expansion inouïe de la science et de la culture, tout en limitant les misères engendrées par l’industrialisation. Ceux qui les condamnent en profitent souvent eux-mêmes à leur insu. Sans l’égalité civique que la Révolution française a proclamée, les États autoritaires d’Europe n’auraient pas aujourd’hui à leur tête des hommes sortis des profondeurs du peuple et tirant de cette origine leurs titres et leur fierté.

On a parlé de stabilité. L’histoire du dernier siècle a montré que les régimes démocratiques offraient au moins autant de stabilité que les systèmes gouvernementaux fondés sur la toute-puissance d’un homme, quand bien même cette toute-puissance s’expliquerait par le génie.

On a parlé de l’ordre indispensable à toute organisation collective. La démocratie est précisément le régime qui permet aux sociétés de progresser dans l’ordre, puisqu’elle fait dépendre le progrès de la volonté générale et d’une volonté de plus en plus éclairée. La France peut citer son propre exemple. Depuis trois mois, le gouvernement a mis en train d’importantes réformes sociales. Il l’a fait dans un grand mouvement populaire d’attente et d’espoir. Mais il l’a fait sans qu’une seule colli-