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la table, s’assurent par là même un avantage, une prime, sur les États fidèles à leurs obligations et qui ont franchement renoncé à la guerre en tant qu’instrument politique ou en tant que moyen de puissance. Résistera-t-on à la contagion de l’exemple, à la contagion plus dangereuse encore du succès ?

Permettez-moi de vous le dire, messieurs. Mes amis et moi-même, dans notre effort de propagande auprès de l’opinion française, nous ne nous sommes pas efforcés seulement de parer aux dangers immédiats de guerre. Nous nous sommes attaqués de notre mieux aux causes permanentes de la guerre. Nous nous sommes attaqués à l’esprit de guerre, je veux dire à ces conceptions séculaires de la politique, de la moralité, de l’honneur collectif, sur lesquelles la « légitimité » de la guerre reposait. Nous y avons réussi dans une large mesure. Mais chez les peuples les plus résolument pacifiques, les traditions guerrières, les « vertus guerrières » ne sont pas enfouies à une si grande profondeur ! Il ne faudrait pas trop d’épreuves pour les ramener à la surface… On a le droit de parler comme je le fais, quand on a dévoué sa vie à la cause de la paix.

Voilà le péril : l’Europe d’avant 1914 reconstituée, dans ses éléments non seulement matériels, mais moraux ; la foi dans la paix ébranlée et disloquée par des secousses trop de fois répétées ; la catastrophe finalement préférée à l’angoisse. À ce péril, la France veut résolument et tenacement barrer la route. Ce qui signifie que son action se tend, avec plus de résolution et de ténacité que jamais, vers l’organisation internationale dont vous êtes, Messieurs, les représentants.

Sans doute, la Société des Nations vient de subir un échec, et nul d’entre nous ne doit le taire. Sans